Ensemble #1: Art et Culture

Écrit le 2 avril 2020
Ensemble Art Culture

Rester chez soi pour résister contre l’ennemi invisible voilà les indications unanimes de nos gouvernements. Pourtant, il est aussi possible de voir cette épidémie comme une opportunité pour repenser notre quotidien, poser les jalons d’une société plus juste, équitable, et faisant sens. Ainsi, durant cette quarantaine, la rédaction de Cit’Light, vous propose de faire un tour d’horizon des alternatives pour sortir de l’immobilisme.

L'amour au temps du Coronavirus de l'artiste C215, réalisé à Ivry (Source)

Culture en péril ?

Il est reste encore à ce jour difficile de mesurer l’impact que cette crise portera sur notre économie. En première ligne, le secteur artistique, déjà emprunt au phénomène de précarisation en temps normal risque de voir ses sources de revenus fondre comme neige au soleil. Du fait de l’annulation de leurs représentations culturelles et autres événements, le tableau déjà noir ne fera encore que s’assombrir. Avec notre quarantaine, il est plus qu’évident de l’importance du rôle de la culture et de l’art pour éclaircir et mettre des couleurs au sein de nos existence. Alors, quelle marge de manœuvre nous reste-t-il pour soutenir nos artistes ? Pour paraphraser Edgar Morin, comment préserver notre culture, et donc notre humanité ? À cette épineuse question, vient s’adjoindre aussi l’impératif de rendre cette culture accessible et de résorber les inégalités. Nous essayerons donc dans cet article de dégager des pistes de réflexion sur ces deux thématiques. Comment soutenir nos artistes et promouvoir la culture pour toutes et tous ?

Quelles solidarités culturelles et artistiques ?

Au-delà de la nécessité d’interpeller nos politiciens à mettre en œuvre les politiques nécessaires pour la défense des intermittents et des personnes les plus précarisé du milieu artistique, il est impératif de penser solidaire ! Les moyens existent et à l’heure de l’interconnectivité généralisée, la toile apporte son lot de solutions, comme en témoignent les nombreuses plateformes de crowdfunding dont les plus connues sont KissKissBankBank et Culture Time. Cependant, si ce financement 2.0 parait attrayant, il faut garder à l’esprit que ces grandes enseignes du web facturent tout de même aux alentours 5% de la sommes perçues par les créateurs, sans pour autant prendre en compte les commissions sur les transferts bancaires qui quant à eux peuvent s’élever à 3%. La meilleure solution sur le papier reste Hello Asso, qui ne facture rien. Et de plus suppose que le projet s’inscrive dans un environnement associatif, et donc ne s’inscrivant pas dans une démarche de lucre.

D’autres solutions, plus collectives émergent durant la crise du COVID-19, comme la création de la page « Culture Quarantaine » qui vise à promouvoir et aider les artistes, notamment, via la possibilité d’effectuer des dons solidaires. De nombreux appels à la solidarité sont lancés aussi comme, comme la lettre ouverte adressée aux programmateurs des radios belges pour diffuser les œuvres d’artistes nationaux durant les heures de grandes écoutes, y compris pour ceux qui ne rentreraient pas dans les formats de diffusion standard. Enfin, pour soutenir le monde de lu livre, on évitera de commander ses livres sur les mastodontes de l’édition comme Amazon, mais dans nos librairies indépendantes, ou sur le site librairies.be, site qui sensibilise le grand public à faire ses achats en librairies indépendantes. Le must étant encore d’acheter d’occasion, la plateforme Recyclivre propose une offre très importante, avec la possibilité d’être livré à domicile. La société reverse 10% de de ses revenus nets à des associations et des programmes d’action et de lutte contre l’illettrisme.

La culture comme bien commun

Si la solidarité avec le monde culturel est primordiale, la culture se doit aussi de rester accessible à toutes et tous. Sans faire l’exégèse complète des inégalités culturelles, et ses implications dans le maintien de pans entiers de la population à la marge de nos sociétés. Cette période est aussi une chance pour penser la culture et l’art comme un bien commun. Voici un panel le plus exhaustif possible des différents canaux culturels accessibles à tous et toutes, que cela soit via des documents en libre accès ou en open source.

Se former

Depuis plusieurs années, les MOOC (Massive Open Online Courses), ces cours dispensés sur Internet sous forme de vidéos, de podcasts ou de corpus de textes, permettent à n’importe qui d’accéder à des formations accélérées qui couvrent tous les domaines, de l’histoire à la sociologie en passant par les lettres, les mathématiques, le journalisme ou la cuisine. Une approche démocratique de l’enseignement, qui met aussi à disposition de tous les cours des plus grandes universités au monde. En cette période de confinement, Vogue a choisi les meilleurs cours en ligne à suivre parmi l’incroyable collection de MOOC culturels proposés par la Fondation Orange. Il existe aussi de nombreux MOOC mis à disposition par de prestigieuses universités comme Brown, Harvard, Cornell, Princeton, Dartmouth, Yale, etc.

Dans un registre plus pédagogique, il sera aussi possible de suivre le podcast journalier de Jamy de l’emblématique émission « C’est pas sorcier ». Et pour ceux désirant affiner leur fibre artistique, il existe aussi des cours dispensés en ligne par le Grand Palais, disponibles 24h sur 24, et qui vous permettront notamment d’approfondir vos connaissance sur l’impressionnisme ou l’art contemporain.

L’expo à l’ère numérique

Pour plus d’information concernant le lien entre numérique et subculture, voir l’article : Désobéissance civile à l’ère d’Internet – les leçons du début du XXIe siècle.

Pour continuer notre d’horizon, le monde de l’art comme reflet de notre société accompagne le mouvement irrésistible de la numérisation vrombissante de notre époque. Il est vrai que peu d’entre ceux qui ont eu la chance d’avoir vu la dernière exposition « Van Gogh, la nuit étoilée », utilisant les nouvelles technologies pour mettre en valeur le travail du peintre maudit néerlandais restèrent de marbre face à cette prouesse artistique. Il va de même pour le street art comme art du détournement qui épousa depuis fort longtemps les matériaux numériques et la culture de l’hacker qui en découle. Comme en témoigne le graffeur INSA, créateur de fresques déployant toute leur amplitude grâce à la technologie du GIF, au blog The Creator Project :

« Le graffiti était une forme artistique libre dont tout le monde pouvait profiter avant qu’il ne devienne un bien de consommation, vendu au plus offrant. Mais mes oeuvres ne peuvent être accrochées au mur d’une galerie. Une fois téléchargées, elles sont libres de voyager et d’être vues par beaucoup de gens grâce au web. »

De nombreux organismes comme le Guggenheim vont donner un accès libre à leur collection de livre d’art en téléchargement. Certains musés vont aussi ouvrir leur exposition temporaire en ligne comme L’Institut Royal du Patrimoine artistique (IRPA) avec l’expo du peintre primitif flamand Van Eyck ou encore le Victoria and Albert Museum de Londres qui a mis en ligne plus de 800 peintures, lettres, extraits de journaux intimes, photographies et autres objets de vie ayant appartenu à Frida Kahlo, la célèbre peintre mexicaine. Pour les enfants, le musé d’Orsay met en ligne aussi un tableau/une histoire, permettant aussi à nos bambins de se lier aux grands artistes de notre histoire.

Voyager en restant chez soi…

A l’ère internet, il est aussi possible de se balader dans les plus belles villes du monde comme l’éternelle ville de Florence ou encore l’historique centre de Pompéi et l’Herculanum grâce au site geo.fr. Pour les plus cinéphiles d’entre nous et les aficionados de documentaires, la cinémathèque de Paris met plus de 1000 de ces archives en lignes. Avec ces nouvelles technologies, le monde se trouve littéralement au bout de notre salon…

Lire en numérique

Source

« Chez Soi » de la journaliste et essayiste Mona Chollet est un livre à lire en ce moment de confinement. C’est un guide de survie pour (ré) apprendre à se sentir bien dans sa maison et dans son intérieur. La maison est un espace domestique, un lieu intime où la personne peut, se re-trouver, se re-faire, se re-centrer et redécouvrir ses forces. Elle peut aussi s’y protéger, s’y retrancher pour résister et repenser l’essentiel…

Pour profiter d’un livre immédiatement, depuis chez soi ou ailleurs, le numérique reste une solution très pratique. Dans ce domaine, il est possible de réviser ses classiques en se plongeant dans des ouvrages gratuits du domaine public, mais aussi d’acheter les dernières parutions auprès des libraires indépendants. Le site InLibroVeritas permet également l’accès en ligne à un large catalogue de textes, notamment des manuels d’informatique, des guides de vie pratique ou des thèses. Les bibliothèques en ligne ne manquent pas, comme le Wikipédia du livre, Wikisource, où sont répertoriés plus de 281 000 textes gratuits en langue française. Pour les enfants, on privilégiera l’application plume qui encourage les enfants à écrire leur propres histoire. Autre projet digne d’intérêt si vous maîtrisez un tant soit peu l’anglais, Open Library se revendique comme « une bibliothèque ouverte pour tout le monde ». Lancée par Internet Archive, la référence mondiale de l’archivage des connaissances sur le web, la plateforme revendique près de 11 millions de visiteurs uniques chaque mois. Enfin, pour les plus radicaux d’entre nous, les éditions La Fabrique offre l’accès à 10 de leurs ouvrages durant la période de confinement

Danser, chanter, vibrer comme actes de résistance

La scène ci-dessus se passe à Bruxelles, dans la commune de Forest, où la chanteuse d’opéra Sarah Defrise et le pianiste professionnel Stéphane Ginsburgh ont improvisé un concerto entre voisins. Un peu partout le monde des artistes ou des citoyens ordinaires font en sorte que le confinement soit plus doux et joyeux. Si les salles de concerts sont fermées au grand public, de nombreux spectacles sont mis en ligne comme par la chaîne Arte qui régulièrement ajoute des classiques de la musique ou encore par certains artistes comme Neil Young qui annonce de concerts en streaming (et au coin du feu), ou le chanteur Cali qui quant à lui rameuté son groupe entier pour proposer un concert par caméras interposées. Du côté du théâtre, on pourra aller sur le site de la rtbf qui propose plusieurs pièce de théâtre en streaming avec des classiques comme le Malade Imaginaire de Molière ou des œuvres plus récentes comme la pièce Is There Life On Mars, qui traite du monde vu par des personnes autistes.

Rester en mouvement, c’est possible !

On l’a vu et senti tout au long cet article, nos artistes continuent de nous faire voyager que cela soit à travers leur balcon, ou via les canaux numériques, ils rendent notre quotidien moins morose, et nous permettent quelques temps de nous sortir de la torpeur de notre isolement. À nous de leur rendre la pareille et de les soutenir car, comme dirait Nietzsche, « sans la musique, la vie serait une erreur »

Pour aller plus loin

Pour soutenir nos artistes

Pour se former

L’expo à l’ère du numérique

Voyager en restant chez soi…

Lire en numérique

Danser, chanter, vibrer comme actes de résistance

Article écrit par Thibault Koten

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