Le zéro déchet, zéro consommation ?

Écrit le 17 Avril 2019
Environnement

Ce qu’on appelle le « zéro déchet » est un concept assez simple pour un acte percutant du citoyen-consommateur : ne pas acheter ce qui produit des déchets et ne pas faire de déchets soi-même. Ce concept interdit-il cependant toutes formes de consommations ?

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Le citoyen « zéro déchet » est dans une perspective de changer ses habitudes quotidiennes afin de ne plus produire et de ne plus consommer aucun déchet, dont la majorité vient de l’emballage des produits (film plastique, barquette, étiquette, bouteille non réutilisable, …). Il veut marquer le coup ! Il fait un boycott général de tous produits générateurs de déchets polluants. Ainsi, il rationalise sa consommation. Ce citoyen dit à la société, aux États et aux entreprises : « Je ne veux plus acheter des produits qui sont emballé dans un contenant à durée de vie très (trop) longue et d’utilisation unique ». Le plastique pollue les rues, les routes, les champs, les océans, les rivières, les forêts. Il produit des gaz à effets de serre à sa construction (1), durant son recyclage, à sa destruction, sans parler de sa durée de vie extra longue, et du dommage sur l’ensemble de la biodiversité. Pour nous, pays occidentaux, la problématique des déchets est à peine gérable. Alors que pour les pays en voie de développement, la gestion des déchets est une catastrophe.

Le « zéro-déchetiste » souhaite qu’on repense la gestion des biens et des services pour que ces activités ne génèrent plus de gaspillage de ressources ni de pollution. Par son acte, ce citoyen demande des alternatives aux entreprises et aux États mais il se crée également ses propres alternatives. C’est ce qui est appelé la consommation responsable. L’individu choisi a qui il va donner son argent pour une ou plusieurs raisons spécifiques. Il vote avec son caddie. Il vote durable, solidaire, éthique, sans déchet, etc.

Aujourd’hui, être « zéro déchet » dans une ville comme Bruxelles, c’est un véritable don de soi car cet acte demande des efforts continus et contraignants. Il est nécessaire de revoir chaque geste car ils sont susceptibles de produire des résidus indésirables. C’est donc, en premier lieu, un important (ré)apprentissage de la vie au quotidien. Comment conserver les aliments sans plastiques ? Où acheter en vrac avec ses propres contenants ? Comment se laver ? Comment se faire une beauté ? Comment se vêtir ? Comment faire le ménage ? Comment se divertir ? Comment offrir des cadeaux ? Qu’est-ce qu’un cadeau ? Peu de personne changent tout d’un coup, ils passent souvent par une période de transition. Il y a des actes plus faciles à modifier que d’autres selon les habitudes et les sensibilités de chacun. Ce qui reste important c’est de repenser son rapport à l’utile et au nécessaire.

Et pourtant, tout n’est pas un champ de bataille du soi contre les déchets à usages uniques. Des actions au niveau politique et au niveau des entreprises commencent à émerger. Une floraison de magasin en vrac font leurs apparitions (nourriture, savonnerie, …) Les marchés ouverts ont également la cotte. L’État belge a interdit petit à petit l’usage des sacs en plastique dans les supermarchés. L’Union Européenne a décidé de bannir une série d’ustensiles en plastique à usage unique. Les mentalités changent lentement certes, mais c’est un premier pas !

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Les citoyens zéro-déchets réclament donc une vision renouvelée de la prospérité, une redéfinition du progrès (N. Hulot (2)). Qu’est-ce que les académiques entendent par ces notions ?

Dans une vision communément admise du fonctionnement de nos sociétés, la prospérité s’est vue exprimée sous forme économique : pour atteindre la prospérité (le bien-être, le confort, la sécurité) il faut une croissance économique permanente (3). Ainsi, avoir plus d’argent permet un choix plus large, un meilleur niveau de vie, une meilleure qualité de vie, … Aujourd’hui, on peut constater nous même à quoi ressemble notre vie, notre société, notre pays. Certes bien des choses ont changés. On a des voitures individuelles, des voyages en avion pas chers, des t-shirts à 5 euros, des avocats dans tous les supermarchés, des crevettes grises décortiquées, des applications smartphones pour faire du sport, … Bref, nous exaltons sous le confort et l’accessibilité. Notre société a donc évolué. L’innovation et la croissance se crient sur tous les toits pour créer des biens et des services de toutes sortes des plus risibles au plus indispensables. Mais à quel prix ? Il est difficile de se rendre compte que pratiquement aucunes externalités négatives n’est inclue dans notre modèle économique. Une externalité négative est ce qui est créé à partir d’une activité économique (production de chocolat, fabrication de vêtement, vente par correspondance, transformation d’arbres en planche, etc.) sans être prise en compte par la transaction financière et qui pourtant va avoir un impact négatif, « causer du tort » aux personnes ou aux écosystèmes voisins. L’exemple le plus probant d’une externalité négative est la pollution. Les voitures rejettent des GES, les avions balancent du kérosène à tout va, les t-shirts en coton demandent des centaines de litre d’eau, les avocats voyagent en containers depuis l’autre bout de la terre, … Bref, notre vie est sympa mais elle pollue l’ensemble de la planète. Qui va payer pour les dommages infligés aux écosystèmes et aux populations puisque nous ne l’avons pas fait, ne le faisons pas vraiment encore ?

Faudrait-il donc repenser l’économie ? Tim Jackson, un professeur de développement durable nous propose de dissocier la notion de prospérité avec celle de la croissance. L’idée étant qu’il faudrait arrêter la croissance tout simplement parce que les ressources naturelles de la terre sont limitées mais aussi car la capacité de la planète à résorber, assimiler la pollution et les déchets est beaucoup (beaucoup) plus lente que la production des externalités négatives que nous produisons. Cela nécessiterait de repenser entièrement la manière dont nous vivons, dont nous consommons. Pour conclure, nous vous laissons avec la définition renouvelée de la prospérité de Tim Jackson qui serait : « (…) notre capacité à nous épanouir en tant qu’être humain – à l’intérieur des limites écologiques d’une planète finie.  » (3, p. 187)

Pour aller plus loin

Voir aussi notre article « Les emballages plastique : quels impacts, quelle·s alternative·s ? ».

Sources:

  1. Site Web : La fabrication du plastique en 5 étapes (consulté le 08/04/2019)
  2. Livre : J. PICHON, B. MORET, « Famille presque zéro déchet. Ze guide », Thierry Souccar Editions, (ed. 1ier trimestre 2019), 2016, Vergèze, France
  3. Livre : T. JACKSON, « Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable. », 2010, Etopia et Editions De Boeck Université (1ière ed.), Bruxellse

Article écrit par Aurélie Meert

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