Zoom sur Askoria, l'école de l'économie sociale et solidaire

Écrit le 22 avril 2021
Zoom Sur Éducation Social

Né en 2013 de la fusion de trois établissements bretons de formations aux métiers sociaux, Askoria se donne pour mission de promouvoir et offrir des formations dans le domaine de l’innovation et de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ils travaillent activement à l’amélioration de l’organisation de sociétés à travers l’activation sociale et à la formation aux enjeux de la transition. Cet été, l’équipe de Cit’Light est partie à leur rencontre.

Pouvez-vous présenter la genèse du projet et comment vous vous inscrivez dans une logique de coopération ?

Historiquement, Askoria est très ancrée dans le travail social. A la genèse de notre création, il y avait trois écoles dans ce secteur en Bretagne (AFPE, l’IRTS de Bretagne, Arcades), qui étaient assez représentatives des instituts régionaux de travail social en France. Le secteur devenait très concurrentiel, avec de plus en plus d’écoles dans les secteurs du social et de la solidarité. Plutôt que de s’inscrire dans cette logique, nous avons décidé d’unir nos forces. On a fusionné en 2013, avec la création d’un et unique organisme en 2018.

Askoria offre un ensemble de formations professionnelles et supérieures, ainsi que des accompagnements orientés vers le travail social (éducateurs, assistants sociaux, animateurs, managers, etc.). Plus largement, nous travaillons aussi dans le secteur médico-social, sanitaire, et plus largement dans l’économie sociale et solidaire (ESS).

Économie sociale et solidaire. L’expression “économie sociale et solidaire” désigne les acteurs économiques qui ont pour objectifs de renforcer les solidarités sociales et développer la “valeur ajoutée sociale”, à partir d’engagements citoyens. L’économie sociale et solidaire est constituée de coopératives d’utilisateurs (le capital appartient aux usagers), coopératives de production (le capital appartient aux salariés-associés), mutuelles, et d’associations ayant une activité économique. (Définition)

Enfin, au-delà de ces formations, on a aussi développé une offre pour des clients privés, pour lesquels on fait par exemple du coaching ou des analyses des pratiques professionnelles. Cette offre est assez récente et ouverte à tout secteur d’activité, parmi lesquels le système bancaire et le tourisme.

Dans votre manifeste, vous vous décrivez comme “[…] école du social, et bien plus encore…”, quelles sont les implications pratiques de cet engagement  ?

On se place clairement dans une logique d’innovation : on possède un centre de recherche intégré qui travaille sur des thèmes comme l’étude de la pratique des travailleurs sociaux, les usages sociaux numériques et l’accompagnement social, les difficultés sociales des agriculteurs, et sur bien d’autres sujets. On essaye de renforcer et de calibrer au mieux les formations avec les résultats de ces différentes recherches.

Les formateurs eux-mêmes contribuent à cet exercice de pratique réflexive, ce qui débouche souvent sur des publications. Il y a donc un aller retour constant entre les besoins, la formation et les évolutions tant de la méthode que de l’adaptation aux réalités du terrain. C’est une de nos particularités : c’est souvent un manque dans de telles écoles, où il n’y a généralement pas de centre de recherche intégré. Notre constat est le suivant : le social a fonctionné, mais aujourd’hui les travailleurs sociaux professionnels ne peuvent plus répondre à tous les enjeux et les besoins de société qui ne cessent d’augmenter et de muter.

Dans ces formations, on peut trouver d’un côté l’apprentissage théorique, les bases, et d’un autre côté une forte immersion par la pratique. Au moins 50% du temps des cursus se déroulent sur le terrain, afin que les étudiants puissent pleinement s’imprégner des pratiques des différentes filières de l’ESS. Dans ce sens, il y a quatre ans de cela, nous avons créé le salon des expérimentations et innovations solidaires, où on essaye de mettre en lumière les acteurs du changement, des porteurs de projet; il y a de tout, où l’essentiel est de fournir les outils et les bonnes pratiques les plus adéquats pour favoriser l’activation sociale !

Pratique réflexive et la recherche action. Deux approches se détachent des méthodes universitaires dites « classiques » : la pratique réflexive et la recherche action.
Tout d’abord, la pratique réflexive est une méthode pédagogique dans laquelle l’enseignant est en mesure de décrire et d’analyser les actions qu’il pose en vue de juger de leur efficacité et de les adapter pour optimiser leurs effets. En encourageant un retour sur la pensée en elle-même, elle accroît le transfert de connaissance.
La recherche action quant à elle est une méthode scientifique ancrée dans la pratique de terrain, qui combine l’acquisition de connaissance avec la mise en pratique d’actions concrètes.

Askoria n’est évidemment pas seule dans le secteur de l’ESS et fait partie d’un espace qui s’appelle le campus des solidarité, principalement porté par deux salariés d’ici, mais en partenariat avec d’autres écoles ainsi que la ville de Rennes. Cette année, avec la crise sanitaire il était difficile d’imaginer 1500 à 2000 personnes dans notre école, on a donc décidé de transformer le salon en saison des expérimentations. On va disséminer dans nos écoles les résultats des rencontres avec les participants. On voudrait que le public puisse également participer mais étant encore fort perçu comme une école c’est compliqué. On veut vraiment que ce soit un lieu de rencontre pour tous, créant une dynamique de créativité.

Comment luttez-vous à votre niveau contre les inégalités sociales et politiques ? Avez-vous mis en place des mesures pour une plus grande mixité sociale au sein des étudiants ?

Je ne dirais pas qu’Askoria est à ce jour une école qui prend la parole et qui écrit des tribunes pour s’engager pour des causes sociales. Ce que nous souhaitons, c’est qu’en formant d’une certaine manière nos étudiants, ils disposent des outils techniques et conceptuels pour être capable de s’engager dans la lutte contre les inégalités, la précarité et pour la justice sociale. Par le biais du campus des solidarités, on lance des expérimentations comme le Territoire Zéro Personnes Isolée, un projet partenariat avec des communes, des associations, des usagers afin de combattre l’isolation que subissent certaines personnes. L’idée était de reproduire les territoires zéro chômeurs mais axé sur les personnes isolées. Nous souhaitons tester et expérimenter des méthodes sur un territoire ciblé, et voir comment ça peut s’essaimer plus largement à d’autres localités. Dans ce sens, si nos moyens ne portent pas spécifiquement sur des luttes pour plus de justice sociale, le but final est clairement de lutter contre les inégalités.

Pendant le premier confinement, nos écoles ont été fermées, de même que les services administratifs et postaux. Nous avions l’habitude de faire nos inscriptions et méthodes de sélection sur papier et il a fallu passer au tout numérique. Ceci crée toute une série de complications dont l’accessibilité aux services d’inscription et administratifs de l’école. Les gens ne sont pas tous égaux en termes d’accessibilité et d’usages du numérique et nous tâchons de nous adapter au mieux, en apprenant de nos utilisateurs et de nos collaborateurs, pour apporter une réponse de qualité aux personnes qui se tournent vers nous pour enclencher leur projet de formation.

Pour plus d’information sur la fracture numérique, voir notre article : L’ère du tout numérique : entre fracture et inclusion sociale

Enfin, à travers le salon des expérimentations, pas mal d’initiatives s’organisent autour de la question des inégalités; il y a par exemple des associations qui sont portées par des publics précaires comme des personnes sans domicile fixe SDF. Dans ce sens, il y a vraiment des projets émanant de tout horizon et ce brassage est réellement essentiel. On a la chance que Rennes soit une ville très active en termes d’associations, c’est assez simple de monter sa structure avec toutes les aides qui sont mises en place. C’est une ville à taille humaine, où les entrepreneurs sont plus orientés dans une volonté de développement local - pas forcément social mais au moins local. Il y a aussi une forte présence de l’histoire de la Bretagne, dans laquelle l’indépendance est très importante, et tous ces ingrédients réunis créent un environnement propice à l’innovation sociale.

Pour finir, y a-t-il une actualité récente dont vous souhaitez parler ?

Oui bien sûr. Récemment, on a constaté que des chefs de services dans certains établissements rencontrent des difficultés diverses dans la mise en place de leurs projets, et qu’il y a aussi beaucoup de gens qui souhaitent se reconvertir. Tout cela demande de la méthode, il ne suffit pas d’avoir l’idée. Dans le but d’aider ce public à passer de l’idée à l’action, on a lancé une nouvelle formation à destination des Bac+5 qui s’appelle « Développeur de projet ». Cette formation est construite en 4 blocs de compétences qu’on peut prendre ensemble ou séparément en fonction de ses besoins: d’abord une phase analytique des besoins (repérage des parties prenantes, etc.), ensuite une phase de conception, suivie d’une phase de pilotage, finalement une dernière phase de valorisation et de communication. Cette dernière demeure très souvent oubliée et pourtant est capitale pour la pérennité des projets. Toutes les informations relatives à cette nouvelle formation sont disponibles sur notre site.

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Article écrit par Cit'Light

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