L’effet papillon du vote blanc

Écrit le 22 Octobre 2018
Démocratie Élections

À mi-chemin entre l’abstention et la participation, il demeure un grand oublié de l’histoire : le vote blanc. Depuis, le début des années 1990, on voit son augmentation linéaire, jusqu’à atteindre 7,59%¹ aux élections communales et provinciales en Wallonie de 2018. Quelles sont les logiques et les motivations du vote blanc, sont-elles comparables à l’abstentionnisme ? Quels sont les enjeux de sa prise compte juridique et pratiques. Finalement l’enjeux au-delà du vote blanc ne serait pas l’arbre qui cache le feu de forêt de nos démocraties contemporaines ?

Le vote blanc, un abstentionnisme comme les autres ?

D’une manière intuitive, on aurait à penser que l’électeur au suffrage blanc se confond comme une modalité supplémentaire d’une abstention, dans ce cas de nature civique. On ne pourrait dès lors que féliciter le journal de tradition chrétienne La libre d’exhorter l’électeur blanc de remplir son suffrage pour quitter le camp des agitateurs de vent et rejoindre les berges de la bonne citoyenneté. Malheureusement, la réalité ne suit pas toujours le cours sinueux de la bonne doxa de nos régimes représentatifs.

Au contraire les recherches sur le vote blanc viendraient renier sa comparaison avec l’abstentionnisme. Les recherches d’Adélaïde Zulfikarpasic dans son article « Le vote blanc : abstention civique ou expression politique » démontrent que les votants blancs manifestent un intérêt particulier à la politique, et ont de surcroît des exigences en la matière, pour laquelle ils expriment leur déception au travers de leur vote. Les votants blancs, qui devraient logiquement être plus nombreux lors des élections jugées comme secondaires par l’opinion (par exemple les élections européennes), se retrouvent en pratique moins nombreux que les abstentionnistes pour le même scrutin. Dans ce sens, la catégorie socio-économique des votants blancs (principalement Bac+2 et plus) n’est pas non plus la même que celle des abstentionnistes (possédant un niveau d’étude moindre). En effet, plus la voix de l’électeurs blanc sera cruciale moins celui-ci aura tendance à déposer son bulletin vierge dans l’urne, par exemple pour faire barrage à une force politique d’extrême droite en position de gagner.

Donc, que cela soit d’une manière ponctuelle par le manque de candidats ou de tendances politiques ou d’une manière structurelle par l’application d’un clivage citoyen contre la gestion politicienne (92% ne font pas confiance à la gauche et la droite), l’électeur blanc par son choix veut démontrer son mécontentement et sa protestation. À l’instar de centaines de personnes qui manifestent en silence dans les rues de Bruxelles le jour du scrutin, la démarche se veut politique. Elles dénotent un malaise profond, un manque de confiance dans la démocratie mais visent à se faire entendre, à réfléchir, à lier les différents candidats.

Quelles règles pour la Belgique ?

En Belgique, le vote blanc est comptabilisé mais n’a pas de valeur juridique et est comptabilisé comme un vote nul. Dans la pratique, il s’agit de rendre son bulletin vierge de toute inscription. Dans le cadre du vote électronique, il y a une case « vote blanc » qui est prévue. Contrairement à certaines croyances, les vote blancs ne sont pas alloué à un parti (par exemple majoritaire) mais sont comptés séparéments, avec les votes nuls. Contrairement au vote nul, le vote blanc est compté comme valable, mais tout comme le vote nul, il n’est pas pris en compte en considération dans l’attribution des sièges. Comme nous l’avons vu le vote blanc peut atteindre plus de 8% dans certaines régions belges. Cela est assez problématique quand nous savons que certaines listes obtiennent pour bien moins que ça des élus. La non-prise en compte du droit de vote d’un citoyen vis-à-vis d’un autre est problématique dans une démocratie dont la pierre angulaire est l’égalité de droit.

Quelles considérations dans le monde pour le vote blanc ?

Dans certains pays comme la Mongolie, le bulletin blanc est non seulement valide mais lors des élections à la majorité absolue (donc 50% plus une voix), ce bulletin peut invalider les élections si aucun candidat ne franchit la barre. Au Pérou ou en Colombie, le peuple dispose d’un droit de veto respectivement à la hauteur des deux tiers et de la moitié de vote blanc ou nul pour l’annulation d’une élection.

Cependant, et comme défendu par les associations promouvant la reconnaissance du vote blanc, la réalité pratique et juridique de ce dernier ne sera que l’effet papillon nécessaire pour réfléchir et infléchir notre système électoral qui n’a pas changé depuis l’instauration de l’isoloir et l’enveloppe fermée de nos grand parents. Au XXIième siècle, il serait donc temps de reconcevoir notre manière de décliner notre voie, par exemple sur une échelle d’appréciation ou de satisfaction minium. Ce qui éviterait d’avoir des candidats qui satisfont une minorité.

Pour aller plus loin

Articles de presse :

Pour aller plus loin sur la compréhension du vote blanc :

  • Adélaïde Zulfikarpasic. Le vote blanc : abstention civique ou expression politique ? Revue française de science politique, 51ᵉ année, n°1-2, 2001. pp. 247-268

Pour aller plus loin sur les mouvements et associations défendant le vote plan


¹ Ce taux comprend les votes invalides et blancs. En effet, Olivier Ihl et Yves Déloye ont constaté après de nombreux dépouillement que seul 4,3% des votes nuls peuvent être assimilés à des erreurs (par exemple, plusieurs bulletins dans la même enveloppe). Les autres traduisent un acte volontaire de l’électeur (bulletins barrés, découpés). Le vote nul ne devrait donc dans ce sens juste recouvrir les vraies erreurs.

Article écrit par Thibault Koten

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