Les moteurs de recherche alternatifs : pourquoi changer son moteur de recherche est un acte de résistance.

Écrit le 26 Avril 2019
Numérique

Pourtant fleuron de la technologie robotique, Boston Dynamics est cédé le 9 juin 2017 par Alphabet. Sans aucun doute, il s’agissait d’une tentative de Google de se séparer des images d’horreur et de fascination que les robots humanoïdes ont laissé dans les esprits. En effet, le géant essaye maintenant de se revêtir d’une image plus sympathique pour aider à disperser la résistance montante contre le monopole titanesque qu’il s’est construit. Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Comment se fait-il qu’un service qui semble aussi banal qu’un moteur de recherche ait propulsé Google au sommet des entreprises mondiales? Bien qu’il soit devenu le champion dans bien des catégories, on va voir comment il est possible d’au moins arracher la recherche sur internet des mains dantesques d’Alphabet.

Google simplifié : un moteur de recherche, c’est quoi ?

Cette technologie peut se résumer en trois grandes étapes : identification des pages, indexation des contenus, algorithme de recherche.

  • Tout commence des petits robots. Leur travail c’est de découvrir les nouvelles pages web et les référencer. Google a automatisé cette recherche sous la forme de petits programmes, les « crawlers » ¹. Ils arpentent le web de liens en liens comme le ferait un utilisateur et enregistrent toute sorte d’informations. C’est ici déjà, que l’on différentie « Dark Web » et web visible. En effet par des moyens de chiffrage et d’intermédiaires physiques par serveurs proxy (intermédiaires entre votre ordinateur et le reste de d’Internet) les sites cachés du deep-web sont inaccessibles aux robots de référencements. Une fois la page découverte, le réel travail d’indexation commence.
  • Indexation, base de donnée. Toute la force d’un moteur de recherche est dans sa capacité à proposer le résultat le plus pertinent dans les premiers liens proposés. Pour ce faire la difficulté est de créer une structure de base de données la plus efficace possible. De nos jours l’index de Google fait « des centaines de milliards de pages Web et sa taille est bien supérieure à 100 millions de gigaoctets. »¹ et permet de rapidement associer mots clefs, pertinence par trafic et autres concepts abstraits avec les pages disponibles dans l’index.
  • Algorithme de recherche. À partir de cette base de données, il s’agit maintenant d’écrire un mécanisme permettant de donner à l’utilisateur des résultats les plus pertinents. Le géant s’est doté d’une routine de tri en fonction de différents paramètres de recherche et la popularité d’une page. Le jeu de n’importe quel créateur de contenu numérique est alors, par l’intermédiaire des outils fournis par Google, référencer au mieux la page par des documents lisibles par les « crawlers ». C’est bien entendu gagnant-gagnant : un site bien référencé par son créateur permet plus de trafic et permet de donner des résultats plus pertinents à la recherche. C’est dans l’écriture de cet algorithme que Google a énormément de pouvoir, car il peut potentiellement favoriser certains liens au détriment d’autres.

Google est le meilleur

Créé deux ans avant l’éclatement de la bulle internet, Google, par son ancienneté, et sa méthode de travail s’est propulsé au sommet des services de recherche. La plupart des autres services actuellement disponibles ont été ajoutés petit à petit en interne, par une politique favorisant la créativité. En effet, 20 pourcents du temps de travail des employés est consacré à la création d’un projet personnel² (ce qui n’est malheureusement plus le cas en 2019) et a donc permis d’étendre crucialement la marque (Gmail, Maps, Drive, etc). C’est par cette règle des « 20 pourcents » qu’est née la poule aux œufs d’or : AdSense. AdSense ³, maintenant Google Ads s’est imposé comme le plus grand distributeur publicitaire sur internet et est aujourd’hui la principale source de revenu de Google. Le succès dans la distribution publicitaire a été rendu possible par la position dominante de Google dans la recherche. En effet, il s’agit d’un effet combiné de trafic sur Google et de la possibilité de rendre la publicité ultra-ciblée en connaissant en détails les besoins des utilisateurs par leurs recherches, permettant ainsi l’élaboration d’une carte d’identité de l’utilisateur. Au plus les utilisateurs emploient les services, au plus Google est efficient à viser des potentiels acheteurs.

Mais maintenant Google cherche à devenir structurellement l’Internet par des projets de grande envergure. On peut citer le Loon Project et des poses de fibres optiques transatlantique. La pieuvre Alphabet-Google s’étend jusqu’aux systèmes d’exploitations de 9 smartphones sur 10 en plus de nombreuses start-ups et Youtube.

Google est le meilleur, ne l’utilisez pas

Cette année encore, le géant a été contraint par la Commission européenne à payer une amende colossale pour abus de monopole. Il a été statistiquement prouvé que la majorité des utilisateurs utilisaient les services par défaut sur leurs appareils, ce qui présente donc un conflit d’intérêts lorsque que Google place tous ses services par défaut sur les appareils mobiles. De plus la marque a une stratégie de rachat agressif des plus petites entreprises pour éviter la construction d’une concurrence réelle.

À défaut de mieux, sortir du par défaut

Bien entendu Bing, le service Microsoft ou Yahoo! ne feront pas partie de la discussion puisque la critique faite à Google peut s’appliquer dans une certaine mesure à ces derniers. Cependant, ils forment maintenant une alliance qui permet aux autres moteurs de recherche d’utiliser leurs résultats et c’est d’ailleurs ce que l’on observe avec la majorité des moteurs alternatifs. Voici quelques moteurs avec des angles originaux ou des modèles de financement alternatifs.

Quelques alternatives à Google

  • DuckDuckGo : Un des outils les plus utilisés par les férus de Logiciels Libres, ce service se focalise surtout sur la vie privée et l’absence de tracking. Il évite également les filtres des algorithmes de recherche pour une approche plus impartiale des résultats. Ses résultats viennent de sources multiples et ont l’avantage d’être les mêmes pour tous les utilisateurs (et donc garantissent l’absence de profilage). Bien que la recherche soit anonymisée, DuckDuckGo est financé par l’alliance Yahoo! - Bing et des partenariats avec Amazon et Ebay pour proposer des produits lors des recherches.

  • Ecosia : Utilisant un hybride des résultats Bing et leur système interne, l’entreprise berlinoise se veut être une association à but non lucratif dont le crédo est de transférer tous ses bénéfices à une cause écologique : la reforestation. Ils bombent la poitrine après la replante de plus de 54,2 millions d’arbres et font partie des rares sociétés internet qui ont le mérite d’avoir une empreinte carbone négative. Ils ont également une politique de non-tracking et ne vendent pas les données. La monétisation se fait par la vente d’espaces publicitaires (non ciblés) de manière claire et transparente. De plus la compagnie publie tous les mois un rapport de l’état de ses finances pour atteindre la transparence la plus grande possible.

  • Lilo : Est une petite boite française dont le but est de créer un moteur de recherche philanthropique, et d’aide aux financements participatifs. Comme les autres moteurs alternatifs ils promettent un tracking inexistant et des recherches impartiales. Encore petit, ils ne rassemblent pas beaucoup d’utilisateurs mais promet de la transparence et une approche différente du moteur de recherche traditionnel.


¹ Comment la recherche Google organise les informations ? (Google)

² La règle des 20% (Journal du Net)

³ Alphabet: pression sur la pub, dépenses accrues (20min.ch)

Commission européenne - Communiqué de presse Pratiques anticoncurrentielles: la Commission inflige à Google une amende de 2,42 milliards d’euros pour abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre service de comparaison de prix

Internaute par défaut ? (niptech)

Article écrit par Théo Lisart

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