Le petit guide de l'énergie verte

Écrit le 11 février 2020
Démocratie Énergie Environnement Écologie

Il y a urgence en matière de lutte contre le réchauffement climatique. La maxime n’est pas nouvelle. Depuis les premiers cris d’alarme du GIEC, il y a plus de 20 ans, rien ne semble n’avoir changé. Si on regarde sur du long terme, le niveau de stabilisation de la température est proportionnel à la quantité cumulée de gaz carbonique passée et future que nous aurons émise. Le GIEC considère que si l’on veut « juste » une augmentation de 2°C, il faudra laisser sous terre plus de 80% des ressources aux énergies fossiles. Cet état de fait renvoyant directement à notre modèle de consommation. Quelle marge de manœuvre, nous reste-t-il ? L’énergie verte est-elle une voie à explorer ?

L’énergie, délimitation d’un concept

L’énergie peut être définie par la capacité à produire du mouvement, mais celle-ci apparaît sous de nombreuses formes : déformations mécaniques, rayonnements solaires, ou potentiel chimiques. Tout le challenge énergétique provient de notre capacité à transformer une forme d’énergie en une autre et la stocker. La différence entre énergies fossiles et renouvelables réside dans le caractère durable ou fini de la source de l’énergie. Pour les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) qui se sont constituées au cours de centaines de millions d’années, elles sont présentes en quantité limitée sur notre planète. Pour ce qui concerne les combustibles nucléaires (uranium, plutonium), ils résident sur la Terre depuis sa création. Le point commun entre toutes ces ressources est leur caractère fini et leur consommation croissante. Les énergies renouvelables quant à elles ont la capacité de se renouveler. C’est par exemple le cas de l’énergie hydraulique (énergie cinétique de l’eau), l’énergie présente dans la biomasse (plantes, ou matières organiques d’origine animale), ou l’énergie éolienne (énergie cinétique de l’air).

L’énergie verte à Bruxelles

L’énergie utilisée dans la région de Bruxelles capitale est obtenue majoritairement par les énergies fossiles. De plus, Bruxelles achète une grande partie de son gaz et de son électricité à l’étranger. Cela crée un problème de dépendance énergétique vis à vis de nos voisins – Russie en tête – et, de façon plus inquiétante, des lois du marché et des spéculateurs et autres financiers. De plus, les énergies fossiles participent grandement au réchauffement climatique, et vont à l’encontre des objectifs de réduction de l’effet de serre pris par Bruxelles. En effet, la région s’est fixé comme objectif de réduire son empreinte carbone d’ici 2025 de 30% par rapport à 1990, et de doubler sa production d’énergie renouvelable.

Les sources d’énergie venant de la biomasse et hydroélectrique sont à écarter. Pour l’énergie hydraulique, les cours d’eaux belges ne possèdent que trop peu de courant pour assurer une production d’énergie rentable. En ce qui concerne la biomasse, les matières organiques, et le bois brûlés ou transformé en énergie, cela pose de nouveaux problèmes comme celui de son impact sur la qualité de l’air. À la suite de ces évictions, il reste le photovoltaïque. Bruxelles Environnement propose une carte solaire, reprenant les endroits les mieux exposés de notre région, mais aussi les différents subsides accessibles aux entreprises et aux particuliers. L’asbl apere, association d’éducation permanente dans le domaine de l’énergie, pousse la logique plus loin en préconisant de transformer les producteurs d’énergie photovoltaïque, en prosumer , c’est-à-dire des acteurs comprenant le fonctionnement du réseau, possédant une valeur sociale, environnementale, reconnue et vertueuse, et surtout détenant un statut légalement reconnu.

Évolution des parts d'éléctricité renouvelable, par filière.

En ce concerne l’électricité éolienne, elle représente la majorité de la production de l’énergie verte en Belgique, qu’elles soient offshore (c’est-à-dire qu’elles sont installées en mer), ou onshore (terrestre). Si l’investissement initial demeure plus conséquent, notamment en raison des coûts additionnels liés aux fondations, au raccordement, et aux pertes possibles d’énergie lors du transport sur les longues distances, les parcs éoliens offshores peuvent produire un rendement énergétique deux fois supérieur à leurs cousins terrestres.

Cependant, pour les particuliers, la petite éolienne demeure non rentable. Cela étant principalement dû aux lois physiques. L’énergie produite par une éolienne dépend de la surface balayée par les pales, et une éolienne ne pourra jamais convertir plus de 59% de l’énergie cinétique présente dans le vent en énergie mécanique. De plus, pour un rendement optimal, les éoliennes ont besoin d’un vent laminaire et continu, ce qui est plus souvent le cas pour une grande installation, mais non pour les particuliers où l’emplacement de l’installation est souvent soumis à de nombreux obstacles. Ces éléments vont dans le sens d’une grande variation du vent. En effet, si la vitesse de rotation est deux fois inférieure, alors la puissance de sortie est divisée par 8 !

Enfin, les astreintes administratives pour l’installation peuvent être lourdes, tant liées aux contraintes urbanistiques des plans de secteur et à l’environnement ou encore à l’octroi du permis de construction dépendant du bon vouloir du voisinage. Pour toutes ces raisons, le petit éolien ne sera réellement rentable que pour les petites entreprises et les PME qui peuvent attendre un meilleur retour sur investissement, notamment grâce à des aides spécifiques (études de préfaisabilité, aide à l’investissement, déduction fiscale). Dans tous les cas, le particulier aura intérêt à se tourner vers le photovoltaïque qui peut profiter d’une technologie plus mature et d’un retour sur investissements plus rapide et non tributaire des aides des pouvoirs publiques.

Collectiviser l’énergie

Si des fois, le consommateur peut se sentir bien seul par rapport à ses choix et son réel impact sur la transition verte, des solutions de collectivisation encore trop méconnues existent bel et bien. Nous traiterons dans cet article les coopératives, et les groupes d’achat collectif d’énergie.

Pour reprendre notre raisonnement pour l’éolien des particuliers, il reste possible de sortir de la nasse. C’est par exemple ce que propose la coopérative CLEF scrl, née d’une initiative citoyenne en 2006 et qui s’est constituée en coopérative pour que chacun puisse posséder un petit morceau d’éolienne du parc éolien Leuz-Europe, en participant au capital de la coopérative. Devenir membre d’une coopérative énergétique permet donc de participer activement au développement de l’énergie renouvelable, tout en réalisant un investissement rentable. Il apparaît que la forme juridique et le modèle économique de la coopérative fait largement sens dans le secteur de l’environnement en général et celui de l’énergie en particulier, par sa nature d’assurer un futur harmonieux de la société. De plus, le modèle coopératif permet de transformer les consommateurs en réels acteurs par leur participation directe aux choix économique de la structure. Ainsi plusieurs coopératives énergétiques existent à Bruxelles comme Energiris qui est tournée principalement sur le photovoltaïque et Allons en vent qui axe son activité sur l’éolien. Enfin, il est possible pour le particulier de lancer sa propre coopérative énergétique, via l’aide et le support d’organismes bruxellois comme Hub Brussels, Coopcity, et la Fédération belge des associations locales et coopératives d’énergie renouvelables.

Les différentes étapes d'un achat d'énergie groupé.

L’achat groupé permet aux participants de bénéficier de réduction tarifaire sur leur facture d’énergie. Développé avec la bulle internet de 2001, le concept d’achat groupé a d’abord vu le jour au travers de forums d’utilisateurs et de consommateurs. Les premiers sites dédiés à l’achat groupé existent depuis 2008. Le même principe s’applique pour les énergies vertes avec des organismes comme WikiPower, des ONG comme Greenpeace ou encore par les pouvoirs publics comme la ville de Bruxelles. Si ces différentes options semblent intéressantes, leur impact est tout de même à nuancer. En effet, le prix sera calqué sur la consommation moyenne de la région, et il n’y a qu’un petit nombre de fournisseurs d’énergie qui jouent le jeu.

Fracture et précarité énergétique

N’oublions pas que si l’utilisation des énergies vertes demeure une clé de voûte pour réduire notre empreinte carbone, elle est loin d’être suffisante pour arriver aux objectifs de décarbonisation. En effet, il sera aussi essentiel de promouvoir une transition vers une société à faible intensité de carbone (équipement industriel et électrique à rendement énergétique élevé et des matériaux de construction performants, etc.) et de décloisonner le couple croissance et évolution, car si elle est verte, le modèle d’une croissance immuable dans un monde finit ne résout pas le problème de l’empreinte de l’homme sur son environnement. À ce titre, Jean Gadrey a écrit une bonne critique de la croissance verte.

Une autre donnée majeure reste aussi en suspens dans l’équation. Actuellement, un ménage bruxellois sur cinq est privé d’un accès abordable à l’énergie. Le quotidien de ces ménages est jonché de factures impayées, de logements insalubres avec des installations de chauffage défectueuses. Pour un changement de paradigme énergétique, il sera aussi nécessaire de développer une politique inclusive d’amélioration de l’efficacité énergétique, de répartir solidairement les coûts de la transition, mais aussi d’accompagner les ménages fragilisés. Pour ce faire, il existe de nombreuses associations comme homegrade.brussels sensibilisant et menant des actions pour l’optimisation et la lutte contre la précarité énergétique. Donc si l’utilisation des énergies vertes et renouvelables dans le mix énergétique bruxellois et belge est en augmentation ces dernières décennies, il ne faut pas perdre de vue que ce mouvement ne sera pas suffisant sans une remise en question profonde de nos habitudes et de notre mode de vie, mais aussi de la répartition des efforts.

Pour aller plus loin

Collectiviser l’énergie

Lancer sa coopérative énergétique

Informations

Article écrit par Thibault Koten

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